On me dit souvent en atelier “je ne sais pas parler du vin”, “je ne sais pas dire pourquoi j’aime ou j’aime pas”. La plupart des novices paraissent paralysés lorsqu’il s’agit de parler d’un vin qu’il viennent de déguster. J’ai moi-même été terrorisée à l’idée de devoir partager mes notes de dégustation en formation avec les autres participants.
Parler du vin serait donc réservé à une élite de professionnels surentrainés, maitrisant le vocabulaire, et le reste de la populace devrait être réduit au silence sous peine d’humiliation publique ?
Je crois très très fort que le vin est un produit qui devrait être accessible à tous et que l’on se doit de démocratiser. Le vin est un produit de partage et dont chacun peut parler, peu importe ses connaissances en vin.
A moins de souffrir d’anosmie ou d’être très enrhumé, nous avons tous des récepteurs nasaux, des papilles, une langue et un palais fonctionnel et donc la capacité à déguster un vin.
Première chose importante, pour parler d’un vin, il est très important d’être présent au vin au moment de la dégustation. Notre attention doit être entièrement portée sur le vin, pas sur les personnes autour et comment elles boivent, pas sur leur conversation, pas sur nos tracas de la journée ou sur cette tache au mur, etc… Il est primordial de prendre une minute pour se recentrer sur soi, mettre sur mute les perturbations extérieures et se préparer à vraiment rencontrer le vin. Déguster c’est un peu méditer : on est présent à soi et à ses sensations corporelles… La dégustation les yeux bandées peut vraiment aider à cela.
La vraie difficulté arrive généralement lorsqu’il s’agit de parler de cette expérience de dégustation.
Premièrement notre besoin d’appartenance nous met en “panic mode” à l’idée d’être différent des autres. Si l’on a eu un ressenti du vin différent des gens qui nous entourent, on a l’impression de s’être trompé…
NEWSFLASH : Nous sommes tous différents, nos palais sont différents il est donc normal que nous ne ressentions pas tous un vin à l’identique. Les neuroscientifiques qui étudient les expériences de dégustation montrent à quel point nos expériences, notre culture influencent nos sensations ainsi que les nombreux biais qui influencent notre cerveau.
Deuxièmement, on a l’impression qu’il faut un vocabulaire très spécifique pour parler du vin correctement. Oui, il existe des mots spécifiques pour définir un vin mais cela ne veut pas dire que l’on ne doit pas s’exprimer si l’on ne maîtrise pas encore ce vocabulaire.
C’est comme apprendre à parler une langue étrangère : on va peut être faire des fautes au départ, on aura du mal à trouver ses mots, il nous faudra plusieurs phrases pour expliquer un mot que l’on ne connait pas. Mais il ne faut surtout pas que la peur de se tromper nous empêche d’essayer de s’exprimer. Personne n’est devenu bilingue uniquement en lisant des livres et en regarder des séries en VO, ça aide mais il y a moment ou il faut oser se lancer et parler, même si ça n’est pas parfait. La pratique vous fera avancer beaucoup plus vite et vous oublierez vite la peur du ridicule.
Troisièmement, partager son ressenti brut et honnête d’un vin, c’est un peu comme une séance chez le psy. Il faut apprendre à creuser son ressenti. Je n’ai pas aimé ce vin ? Pourquoi ? Quelle sensation m’a paru désagréable ? Est-ce que ça m’a rappelé un mauvais souvenir ? Quelle est le premier mot qui me vient pour qualifier ce vin ? Pourquoi ? J’ai aimé ce vin ? Pourquoi ? Est-ce que j’ai ressenti une émotion particulière ? Où dans mon corps je l’ai ressenti ? Est-ce que ça m’évoque un souvenir ?
Parler de son expérience avec un vin de manière authentique, c’est partager quelque chose d’intime. Il ne faut donc pas avoir peur de montrer une part de soi. Il est important d’essayer de creuser son ressenti et ses sensations pour pouvoir mettre des mots dessus cela permet en déroulant le fil d’aller chercher le message du vin.
C’est donc ma conviction profonde que c’est à la portée de chacun de parler du vin. Mais il n’y pas de recette magique, de raccourci ou de faux-semblant pour cela.
Mes 4 conseils pour apprendre à parler du vin :
- Dégustez en conscience : il est primordial de porter toute son attention sur le vin en dégustation si l’on veut pouvoir ensuite en parler.
- Osez en parler librement : même si vous ne maîtrisez pas les codes et le vocabulaire, c’est en faisant qu’on apprend. Oubliez la peur du ridicule.
- Creusez vos ressentis : comme un séance chez le psy, on prend sa petite pelle et on creuse : qu’est-ce que je ressens? pourquoi ? comment ? est-ce que j’ai déjà ressenti cela? qu’est-ce que ça m’évoque ? On déroule le fil pour aller au cœur du message du vin. Parler d’un vin, c’est se risquer partager un part plus intime de soi.
- Goûtez à tout (avec modération bien sûr!). Restez ouvert d’esprit, ne vous fixez pas sur un nom, un style, une région, partez à la découverte du monde du vin et de sa richesse.
Et bien sûr, n’oubliez pas que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, et à consommer avec modération!